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The Forrester Wave™: Supplier Value Management Platforms, Q3 2024 Lire le rapport
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A l’heure où j’écris ce blog, certains pays sont encore très touchés, certains sortent de la crise alors que d’autres connaissent une deuxième vague de coronavirus. L’ensemble des coûts de la crise ne se dessine encore qu’à travers les projections et les graphiques que nous présentent chaque jour les statisticiens et les modélisateurs de données.
Quoi qu’il en soit, il y a d’ores et déjà des enseignements très clairs à tirer, pour les décideurs achats et supply chain. Certains de ces enseignements apparaissent trop tardivement pour pouvoir être exploités dans le cadre de la crise actuelle, mais ils valent la peine d’être relevés pour la prochaine. D’autres en revanche sont encore exploitables et peuvent aider les entreprises à mieux gérer les effets de la pandémie.
Équilibrer les objectifs des Achats
Avant d’entrer dans les détails, je pense qu’il convient de noter à quel point la crise a souligné l’importance pour les responsables des Achats et de la Supply Chain d’avoir un ensemble d’objectifs équilibré. La question des coûts, certes, reste un enjeu. Ne voit-on d’ailleurs pas les conseils d’administration se tourner vers les Achats, pour pointer toutes les opportunités qui pourraient permettre de préserver le résultat financier, face à l’incertitude et à l’énorme pression exercée sur le chiffre d’affaires ?
Les chaînes d’approvisionnement mondiales subissent des perturbations sans précédent, et il est naturellement essentiel d’assurer la continuité de l’approvisionnement. De la même façon, le financement et les flux de trésorerie étant incertains, c’est encore une fois la liquidité qui prévaut; c’est pourquoi on demande aux responsables Achats et à la Comptabilité Fournisseurs de prévoir et de préserver la trésorerie autant que possible. Pour maximiser l’impact de la réalisation de ces objectifs, parmi d’autres, les fonctions Achats doivent gérer activement l’ensemble des dépenses (enjeu stratégique) et des fournisseurs.
Les entreprises qui ont eu la clairvoyance de se définir un ensemble d’objectifs équilibré pour leur fonction Achats sont d’ailleurs nettement mieux placées pour réaliser ces objectifs. Une récente étude de Forrester sur l‘efficacité de la mesure de la performance des Achats a montré à cet égard que les fonctions Achats avancées mesuraient et évaluaient leur performance à partir d’un ensemble objectifs bien plus nombreux et plus stratégiques que ceux pris en compte par les fonctions Achats moins mature. L’étude révèle par exemple que 46% des services Achats avancés ont associés des primes aux KPI mesurant la performance sur le risque Fournisseur et sur la perturbation de la chaîne d’approvisionnement, contre un tiers pour les services moins matures.
Ceux qui tout en prônant la poursuite de nombreux objectifs mesuraient et récompensaient essentiellement la performance sur les coûts subissent aujourd’hui un désavantage concurrentiel. Il ne suffit pas, pour appréhender efficacement des priorités différentes (et potentiellement concurrentes), de leur prêter attention. Cela exige un large ensemble de compétences et de connaissances, tant pour le personnel que pour la relation avec les fournisseurs, et pour les processus et la technologie… Le tout ne s’acquiert pas en un jour.
Les entreprises qui ont maintenu des relations de négociation de type « gagnant-perdant » avec leurs fournisseurs, ne peuvent pas espérer donner tout à coup à ces relations un caractère plus collaboratif. De la même manière, celles qui ont choisi une technologie plus rigide pour optimiser la performance sur les processus standard mais moins opérante pour permettre d’analyser les parties prenantes ou de s’en rapprocher, ou qui ne traitent pas tout le spectre des dépenses, vont devoir batailler pour combler leurs écarts sur ces points.
Élargir son approche
Certains enseignements concernant la gestion du risque lié à la supply chain peuvent être utiles (à court terme) au moment où les entreprises s’efforcent de reconfigurer leur base d’approvisionnement pour l’adapter au contexte d’une pandémie évolutive. Les responsables de catégorie, tout d’abord, devraient s’intéresser aux professionnels de l’investissement et appréhender la gestion du risque Fournisseur en considérant l’ensemble du portefeuille. Dans un portefeuille financier, il est possible d’avoir 2 investissements à hauts risques qui donnent un risque de portefeuille global plus faible que celui que donneraient 2 investissements comportant moins de risques, grâce à une diversification des risques (l’un par exemple prenant de la valeur en cas d’augmentation des taux d’intérêts, tandis que l’autre en perdrait).
Il en va de même pour les fournisseurs. Avoir des fournisseurs de remplacement à « faibles » risques ne réduit pas réellement l’exposition au risque si ces fournisseurs sont tous exposés aux mêmes risques – par exemple le fait d’être basé dans la région de Wuhan. De nombreuses entreprises voient leur chaîne d’approvisionnement perturbée parce qu’elles n’ont pas tenu compte de ce risque et ont plutôt tendance à évaluer leurs fournisseurs individuellement.
La solution ne se situe pas nécessairement dans la délocalisation dans le pays ou dans un pays proche, même si beaucoup voient là une bonne approche. L’idée de rapatrier sa chaîne d’approvisionnement depuis la Chine vers son propre pays semble formidable… Sauf au moment où la pandémie y bat son plein (tandis que les usines chinoises se remettent en marche). Que ce soit pour la prochaine crise ou pour optimiser les changements à apporter à leur chaîne d’approvisionnement afin de survivre dans un tel contexte, les responsables Achats doivent s’appliquer à diversifier leur portefeuille Fournisseurs.
Approfondir son approche
Trop d’entreprises ont été surprises par des ruptures d’approvisionnement engendrées non pas par leurs fournisseurs, mais par les fournisseurs de leurs fournisseurs. Sachant que davantage d’activités sont aujourd’hui externalisées et que les chaînes d’approvisionnement deviennent plus longues et plus mondiales, les vulnérabilités sont à la fois plus grandes et plus difficiles à évaluer. Un article publié par Dun & Bradstreet (en anglais) explique que si un nombre raisonnable – 162 – d’entreprises du classement Fortune 1000 ont un ou plusieurs fournisseurs de premier rang dans la région de Wuhan, en Chine, 938 ont dans cette même région un ou plusieurs fournisseurs de deuxième rang. On voit donc que l’exposition effective au risque est considérablement plus importante que ne l’indiquait une analyse des seuls fournisseurs de premier rang. Il est en effet essentiel, au moment d’évaluer le risque associé à un fournisseur donné ou à un portefeuille d’autres fournisseurs, de tenir compte aussi des acteurs de deuxième/troisième rang. Les responsables doivent faire en sorte de disposer des processus et des systèmes nécessaires pour généraliser ce travail d’évaluation. Il est indispensable d’avoir une visibilité complète sur ses fournisseurs, y compris sur les sous-fournisseurs, sans quoi l’on ne cernera pas véritablement son exposition à divers scénarios et l’on ne se préparera pas efficacement aux situations d’urgence.
Collaborer
Suivre avec les parties prenantes et les fournisseurs une approche collaborative est reconnu de plus en plus comme étant la meilleure solution, et pourtant j’observe que de nombreuses fonctions conservent les vieilles méthodes, qui consistent à rosser les fournisseurs. « Nous sommes financièrement sous pression, donc vous devez nous aider en baissant les prix initialement convenus et en acceptant un allongement des échéances de paiement ». J’observe la même chose chez certains fournisseurs – par exemple ceux qui gonflent les prix des ventilateurs de soins intensifs, au moment où la demande est la plus forte. Ce type d’approche « gagnant-perdant » peut bien générer un gain temporaire à court terme, mais peut engendrer de lourdes conséquences.
Dans la crise actuelle, comme dans la plupart des crises, c’est l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement qui souffre. C’est pourquoi gérer concrètement les objectifs stratégiques de façon efficace et durable nécessite d’adopter une approche collaborative : considérez les clients et les fournisseurs comme des partenaires ! Collaborez sur les paiements en tenant compte de laquelle des deux parties rencontre des difficultés de trésorerie les plus importantes. Etudiez les marges globales de l’ensemble de la supply chain et négociez des ajustements temporaires de prix en échange de promesses de commandes futures et en tenant compte de la tension financière relative de chacune des parties. Avant d’avoir ces discussions avec les fournisseurs, imprégnez-vous du marché afin de bien comprendre les priorités et les difficultés. Et une fois la crise passée, récompensez les clients/fournisseurs qui auront suivi une approche collaborative. C’est de cette façon qu’une fonction Achats pourra véritablement poser son entreprise comme un client de choix et réduira du même coup son risque de rupture d’approvisionnement la prochaine fois que la demande dépassera l’offre – scénario aujourd’hui courant pour de nombreux articles.
Digitaliser
Dans la crise d’aujourd’hui, les fonctions Achats doivent faire davantage et plus rapidement qu’elles ne l’ont jamais fait. La digitalisation est sur ce point tout bonnement incontournable. Elle apporte l’agilité qui est essentielle en temps de crise, en libérant des capacités par l’automatisation des activités tactiques, en améliorant l’accès à l’information qui permettra de prendre de meilleures décisions, plus rapidement et en étendant la collaboration à davantage de fournisseurs et de parties prenantes internes. A titre d’exemple, à l’heure où les équipes Achats ressortent et épluchent les contrats pour déterminer les conditions d’application de la force majeure, il est essentiel de bien comprendre ce que sont les obligations et les droits contractuels lors d’une crise. La digitalisation peut permettre d’éviter des heures de travail interminables grâce à l’identification automatique de ces contrats. De même, évaluer l’exposition des fournisseurs aux conditions évolutives du marché peut s’effectuer en masse, via des questionnaires intégrés. Autre illustration, avec les processus manuels et papier, certains employés actuellement en télétravail sont pénalisés et ne peuvent pas faire leur travail.
Malheureusement, combler ses écarts sur la digitalisation ne peut pas se faire en quelques semaines, car il est nécessaire d’évaluer un fournisseur, de déterminer les exigences, de signer un contrat, puis de passer à la mise en œuvre de ce contrat. Mais pour la majorité des entreprises encore en retard sur ce point, cette étape est indispensable et toutes devront la franchir, tôt ou tard. Une étude de Forrester de 2019 sur la façon d’opérer une transformation a montré que 76% des leaders interrogés avaient digitalisé leur processus S2P à moins de 50%, et 43% à moins de 25%.
Disparité
La crise a aussi souligné l’importance de l’écart de performance entre les champions des Achats et ceux qui sont moins prompts à réagir, écart qui a un impact majeur sur la capacité de leurs entreprises respectives à s’en sortir. Une étude sur le thème de l’efficacité de la mesure de la performance des Achats réalisée par Forrester juste avant l’explosion de la crise au-delà de la Chine a fait apparaître des contrastes, aussi saisissants que étendus, sur la performance dans des domaines critiques pour la gestion des risques liés à la supply chain. C’est ainsi que seulement 53% des fonctions Achats interrogées ont déclaré que leur collaboration avec les fournisseurs était régulière et générait des avancées progressives tangibles. En appliquant à cette question le facteur de maturité, l’étude indique un rapport de 93% de fonctions Achats avancées contre seulement 16% de débutantes. Sur la question de l’étude régulière de la performance des fournisseurs, le rapport était de 97% contre 17% et, sur le fait de contrôler activement les contrats pour identifier les risques, de 94% contre 16%. Enfin, 91% des fonctions Achats avancées gèrent toutes les dépenses via des processus de gestion de catégorie et d’approvisionnement stratégique, contre 16% pour les fonctions débutantes.
Les fonctions avancées prévoyant des investissements plus importants et ayant davantage tendance à traiter les obstacles, cet écart ne peut que se creuser. Par contraste, les fonctions achats moins matures placent de plus en plus leurs entreprises en situation de désavantage concurrentiel. Ces entreprises en paient aujourd’hui le prix et, à défaut de redresser la barre, paieront un prix encore plus élevé à la prochaine crise. Il est crucial pour elles non pas d’apporter une réponse rapide, mais de trouver une véritable solution.
Les responsables des Achats et de la supply chain sont aujourd’hui aux avant-postes et se démènent pour aider leur entreprise à surmonter la crise de la COVID-19. Je tiens à tous vous saluer. Par vos larges efforts, vous aidez non seulement vos entreprises, mais aussi vos collaborateurs, vos fournisseurs et vos clients! Je vous invite à appliquer les enseignements que vous pourrez, pour mieux gérer le reste de la crise. Si votre entreprise ne fait pas partie de la minorité des acteurs avancés que j’ai évoquée, lorsque les choses se seront apaisées et que vous pourrez reprendre souffle, agissez de façon rapide et agressive. Employez-vous à combler vos lacunes sur les acteurs, les processus et les systèmes afin de réduire vos écarts par rapport à vos concurrents plus matures. Nous dépendons tous de vous.
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